Si pour l’humanité la femme est l’avenir de l’homme, pour l’industrie IT les éditeurs sont l’avenir des constructeurs.


Notre industrie rentre doucement dans une industrie mature. Doucement car, par essence, le niveau de créativité est tel que l’IT n’est pas prêt d’être définitivement une industrie mature. Chaque année de nouvelles inventions créent des ruptures qui bouleversent la donne, au point où l’on se demande comment élaborer des plans de rentabilité tant les vagues technologiques se suivent.

Aucune position n’est aujourd’hui pérenne. Nokia, Blackberry, Netscape, Novell, 3Com, MSN, Second Life, Alcatel... autant d’ex numéro 1 qui ont été effacés ou qui ont perdu leur leadership soit par des ruptures technologiques, soit à cause des approches marché radicalement différentes. Qui seront les prochains ? Apple, Facebook, Microsoft ... inimaginable aujourd’hui, mais demain ?

Bien entendu, être leader procure de nombreux avantages, mais aussi certains inconvénients. Personne n’aide à faire la première trace et pour se comparer on doit regarder derrière, pas toujours facile de faire les deux choses à la fois. Comme dans le cyclisme, l’énergie dépensée pour rester devant est souvent bien plus importante que celle déployée pour rattraper le 1er. Etre bon, voir excellent ne suffit pas, il faut avoir deux vista d’avance sur ses poursuivants.

Dans cette perspective comment peut-on imaginer l’avenir quand on est constructeur, ou fournisseur de moyens ?  Quels sont les choix à faire aujourd’hui pour s’assurer une position forte à l’avenir, et quels sont les dangers qui guettent et que l’on doit éviter ?

Dans tout ce brouillard, les « augures » que sont les analystes marchés disent que le marché européen dans son ensemble sera plat, c’est à dire que malgré le boom de certaines technologies, le marché RESTERA plat.  Autant dire que certains produits vont durement chuter. Dans ce marché déprimé, le rayon de soleil viendra des process d’externalisation et en premier lieu le Cloud, avec dans son sillage, la mobilité, les réseaux sociaux d’entreprise, et l’optimisation des processus de connaissance client avec le Big Data en tête. Pour les utilisateurs le Cloud n’est pas du tout une révolution,  c’est juste un moyen différent, plus simple, et plus universel de faire quelque chose qu’ils faisaient déjà. Mais pour l’industrie c’est une révolution tant au niveau des modèles et des cycles de décision qu’au niveau de l’organisation des modèles économiques. C’est une vraie rupture et les ruptures sont des moments de menaces et d’opportunités.

Ce qui change dans le Cloud c’est que l’infrastructure interne perd de son influence, au profit des usages. Les usages sont les logiciels ou services, tant les deux tendent à se confondre. C’est une chose clef de le comprendre et de revoir toute sa stratégie en fonction.

Les usages (c’est à dire la demande) vont dominer le marché. Nous sommes à la charnière où un marché bascule de l’offre vers la demande où l’expérience client est clef.

Une fois que l’on a accepté cette optique, quelles en sont les conséquences en terme de stratégie ? Bien entendu,  connaître l’usage de ces solutions sera primordial,  d’où l’essor des marchés BI, Big data, et des réseaux sociaux d’entreprise - tous des moyens de gagner de la croissance par la connaissance. Tout ce qui participera à favoriser ces usages sera aussi clef,  que ce soit la mobilité, l’interconnexion, les web services ou encore la contextualisation des usages. Mais ce qu’il y a de plus stratégique dans ce nouveau paradigme c’est surtout la maîtrise des flux, car celui qui maîtrise les flux oriente la direction des besoins.
 

Pour faire simple, si je suis constructeur de matériel et que je crois que demain l’usage primera et que cet usage sera dans le Cloud, mon nouveau challenge sera d’orienter le flux sur les architectures construites autour de mes solutions.

Ce challenge impliquera d’une part la maîtrise des grands comptes qui ont intégré le Cloud en tant qu’architecture interne, de ce côté c’est « business as usual »,  mais aussi désormais de gérer un nouveau canal constitué de « revendeurs » ne revendant rien si ce n’est de l’usage. Ces « revendeurs » sont les sociétés qui pratiquent l’hébergement, qu’elles soient éditeurs de logiciel, data centers ou tout autre société avec des ressources partagées à commercialiser. Pour maîtriser ce flux, il faut agir au niveau de la demande. La demande c’est le logiciel ou les services managés.

Les éditeurs de solutions vont vite devenir le Graal absolu de l’industrie. Aujourd’hui mois de 20 % des éditeurs ont des solutions en mode SaaS, nous en sommes encore au début. Par ailleurs, il semblerait qu’un éditeur qui choisit son hébergeur le fait pour 3 à 5 ans minimum. Il ne faut pas être malin pour s’apercevoir que si un éditeur majeur sur un secteur vertical donné choisit un hébergeur qui vous est défavorable, chaque nouvel utilisateur gagné pour cet éditeur renforcera vos concurrents à votre détriment. Arriver à recruter les bons éditeurs et accompagner leur migration d’applications en mode SaaS vers vos hébergeurs est un axe qui doit devenir stratégique. Bien entendu, cela nécessite aussi que vous ayez mis en place le premier étage de la fusée, c’est à dire que vous ayez recruté des hébergeurs, autrement vous allez être vite condamné à vendre moins cher dans un marché se réduisant chaque année. Comme vous pouvez le voir, il ne s’agit pas d’exécution opérationnelle, mais de choix stratégique,  pour garder au moins une vista d’avance.

Le retrait de Dell de la cote doit interpeller chaque constructeur,  ou au moins un grand... Pour muer il faut savoir se cacher, car autrement on est trop exposé et fragile. Dell, après avoir conquis 50 % du marché indirecte, ne serait-il pas en train de préparer sa deuxième grande mutation avec l’aide de....Microsoft ? CQFD ?

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